27 août 2008

Chroniques de Peyrefitte 5


Aujourd’hui, j’ai appris à voler. Mais pas comme je l’aurais imaginé. Au pied des falaises de schiste, je me suis immergé. Puis je me suis pour la première fois écouté respirer. A chacune de mes inspirations, j’ai senti mon corps s’élever dans l’eau. Mon souffle est devenu mon mouvement. Progressivement j’ai senti mon corps porté, comme posé sur un élément transparent. A l’instant où j’ai compris que je pouvais voler, j’ai ouvert les bras pour embrasser une nouvelle forme de liberté.

Chroniques de Peyrefitte 4






8h. « Et si on allait à l’eau » demanda tout haut Valérie, sourire aux lèvres. A quelques mètres, JD, encore enveloppé dans sa moustiquère, et JR, le cheveux ébouriffé, acquièscent mollement. C’est vrai que la matinée s’annonce pas mal. Ciel bleu, baie tranquille, mer d’huile. Les drapeaux ne bougent pas. Certes, il a fallu s’extirper de l’état fusionnel avec le duvet, vaincre cette irrésistible envie de prolonger l’état horizontal mais l’appel de l’eau finit par triompher de toutes les mauvaises excuses. Il suffit alors de quelques minutes pour avaler un bon café, un petit déj et enfiler une combi encore humide de la veille. Là, à quelques coups de palmes du bord, Peyrefitte offre un terrain de jeux unique. Galets, herbiers de posidonies, zone sablonneuse, roches, canyons, chaque plongée se transforme en voyage multidécors. Ce mois d'août, la visi horizontale est exceptionnelle. Derrière le masque, les yeux s’ouvrent doucement. Le corps se réveille au même rythme. Commence alors une séance d'aquagym hyperbare. Toutoutouyoutou-Toutoutoutyoutou...

Chroniques de Peyrefitte 3








Fin août. L’été raccourcit doucement. Les vacanciers tardent à quitter le pays catalan. La rentrée approche et semble pourtant encore lointaine, presque irréelle. A Peyrefitte, la fatigue leste les corps des moniteurs, les traits des visages bronzés sont tirés. Dans l’équipe, les habitudes prennent le pas : après chaque rotation, Thierry fait immanquablement sécher sa cagoule pour éviter qu’elle sente le « chmoulblouc », Jean-Daniel s’exprime avec économie en substituant les grimaces aux mots tandis que Xavier compense sa perte de poids en remontant son short au dessus des hanches. Il en va des équipes comme des saisons. On voudrait parfois arrêter le temps pour qu'il ne défasse pas ce qu'il offre au présent.

22 août 2008

Chroniques de Peyrefitte 2




C’est l’histoire d’un jeune moniteur fringant qui emportait toujours avec lui un peigne. A l’époque où le cheveux se portait long sous les cagoules, Claude dégainait son incontournable peigne pour se recoiffer après chaque plongée. Jusqu’au jour où ledit objet fut pris par la mer à l’occasion d’une sortie par forte Tramontane. Le jeune moniteur, Fenzy autour du cou, rentra pour la première fois ébouriffé. Désormais, il porterait une casquette. Les années passèrent et le jeune moniteur devint un encadrant aguerri, un sage auquel on vient parfois demander conseil. Jusqu’au jour où Tom, un jeune moniteur aux cheveux courts, aperçut le peigne perdu au milieu des posidonies. Connaissant cette histoire devenue légende à Peyrefitte, il le restitua à son propriétaire. Claude contempla l’objet familier, retira lentement sa casquette et saisi le peigne concrétionné. Mais saison après saison, la casquette avait eu raison de la belle chevelure. Le peigne fut placé dans une jolie vitrine à côté d’une Fenzy et d’un Royal Mistral. La mer regorge de petits trésors qu’il vaut mieux laisser à la nostalgie de leurs propriétaires.

13 août 2008

Chroniques de Peyrefitte 1











Cette nuit, la Tramontane est tombée. De quoi bien dormir dans les caravanes après avoir collé au mur quelques moustiques trop bruyants. 6H15. Réveil matinal. La baie de Peyrefitte est calme. Filtre, eau, le café ne tarde pas à couler. Virgin radio diffuse une chanson d'été qui rappelle les slows adolescents. Jean-Daniel contemple le vide avec des yeux encore collés pendant que Thierry touille son sachet de thé en silence. Au milieu de la table, le carburant secret du moniteur : la confiture d’abricot maison. A l'horizon, le soleil émerge doucement en éclairant la baie. Il fait encore frais. Les falaises en schiste scintillent comme des murs précieux, les galets de la plage n’ont pas la même couleur que la journée. Comme le disait Robert, le regretté maire de Peyrefitte, « les premières et les dernières lumières du jour partagent la même beauté éphémère ». Les premiers plongeurs ne vont pas tarder à arriver. L'oeil vif et le cheveux en épi, Thierry rassemble toutes ses idées pour constituer la célèbre "feuille de palanquées". C'est bientôt l'heure de décoller.